Car parfois il faut que je
revienne sur mon premier amour. Oh, ce n’est pas une injonction extérieure, ce n’est pas que
je le veuille. C’est simplement qu’il s’invite, à mon insu, dans certains de
mes rêves.
Il n’est pas présent souvent, ce
qui donne la saveur à l’évènement, mais il est là avec une régularité certaine
et réconfortante.
A chaque fois, je me souviens qu’en
rêve je m’accroche à son cou, que nos étreintes me portent. Sa main est dans la
mienne, et ses yeux sont simplement avec moi. Et tout est simple.
Il faut dire que je n’ai connu de
lui que quelques mois de passion adolescente, soit des promesses inédites, une
ivresse jamais ressentie, des sensations toutes neuves, qui marquent au fer rouge cerise.
Et après nous être séparés, nous
ne nous sommes jamais vraiment revus en laissant une nouvelle relation naître.
Nos retrouvailles ont toujours été brèves et suffisamment rares pour être
teintées du souvenir de cette petite année d’amour intense.
Je rêve donc, malgré moi.
Et il devient, malgré lui, l’alternative
rassurante et éphémère à ma vie d’aujourd’hui. Mariée, 2 enfants, un chien, une
maison, un travail. Et bien que j’y mette de l’énergie, bien moins de place
pour le « et si… »
J’ai l’impression de connaître
cet homme mieux que personne. Sa sensibilité, son humour, son sourire ont été
si près de moi. Mais en fait je ne sais plus rien de lui. Ni dans les faits, ni
dans ses choix, ni de son psychisme. Je ne sais rien. Il est une
distorsion gigantesque, une construction de mon cœur et de mon esprit, à base
de souvenirs et de rêveries.
Rien. Nous nous écrivons parfois.
Rien de bien précis, lors des évènements notoires de la vie. Je ne sais rien,
si ce n’est une affection et un respect que je devine.
Parfois, j’aurai besoin de savoir
ce qu’il est aujourd’hui. Comment est sa maison ? ses vêtements ? Que
sont ses repas ? où ? avec qui ? Que lit-il ? Quelles sont
ses tics verbaux ? ses expressions ? Quels sont ses rêves ?
Connaître tout cela de lui le
privera peut-être de son essence, à mes yeux. Parce qu’après tout nous ne
sommes pour l’autre que ce qu’il désire en percevoir. On existe chez chacun
différemment, à base de souvenirs et de projets, et cela nous confère un statut
unique et totalement orienté. Et je ne sais pas si je veux perdre cela de lui. Ce lui qui n'est encore qu'à moi.